Il y a la simplicité du geste, la simplicité du protocole et du matériel mais elle s’avère receleuse de strates et ce, sans provoquer l’inquiétude devant l’érosion, devant l’usure de la terre qui convoquerait à cris et à cors, puisque la démarche d’Aurélie Jouandon est de filigrane.

Ainsi plus que la chose même, ce qu’elle meut et ce qui la meut, c’est ce qui soutient la chose, son matériau, ce qui la distingue comme telle avant tout usage, avant toute chosification.

La matière est première.

Elle aime confondre le regard quand sa photographie au plus près, travaillant la couleur fait de poussières devient alors une constellation. Elle s’approche, elle, sans exhibition certes par définition dans son « cabinet » de prise de vue mais aussi en temps performatif. Les Nébuleuses ont la puissance de l’aimantation par le blanc et la rigueur de leur carré 50 x 50 cm, d’autant plus qu’ils sont encadrés alors qu’ils préservent des corps inconnus, lumières sur fond noir. Sans désignation particulière autre que leur titre qui les entraîne vers les constellations, l’infini, ils tirent au plus près du magma originel, tant le rouge incandescent les propulse plus encore au premier plan. Des connotations du temps d’avant le temps quand sous l’influence de la gravitation, la matière noire est regroupée.

La titrologie entraîne, en effet, au-delà du terrestre dans les étendues spatiales ou dans les points de vue élevés, zénithaux le polysémique Superamas comme la prise de vue annoncée comme hors sol : Vues d’en haut. Ce titre ci renvoyant au processus de captation de l’image, que I’on pense, dès lors, satellitaire, se différencie des autres séries par son noir et blanc aux effets de bleuissement dans ses variations, il découvre des lagunes inconnues, des plages en arcs de cercle, des lieux non habités et la menace de l’abstraction sur cette géographie.

Quant au premier Superamas, il agglutine le nom scientifique de ces amas de centaines voire milliers de groupes de galaxies, au milieu du grand vide et dont la taille varie entre 100 et 500 millions d’années-lumière à un spectacle développé en réponse au désir scopique diversifié du XIXème siècle.

Le mode d’emploi d’approche des images se lit subrepticement comme est subtil le jeu d’illusion d’Aurélie Jouandon. Voir au-delà.

En effet, cet univers primordial se forme de particules entremêlées, de laines colorées, de matières résiduelles et de poussières ; le réel minuscule photographié pour l’image-illusion des espaces infinis.Non pas pour tromper, l‘artiste ne cherche pas à nous prendre en faute mais pour apprendre à prendre le temps du regarder.

Au plus proche, les filaments, les pointes de matière, I’emmêlement disent cette origine, la nature de  l‘élément photographié.

La poésie de I’infime.

Poésie double de l’image qui crée/poiën du beau de l’insignifiant, qui métaphorise l’existant en inaccessible et de I’approche paradoxale que provoque l’image scientifique hors de son propre domaine d’application.

Partant du plus vulgaire au sens de répandu, de plus trivial et plus encore de ce que l’on pourchasse dans I’appartement, Aurélie Jouandon fait double chemin, elle entraîne les poussières au galactique qui déclenche de telles pensées mythiques.

Son travail performatif garde le même schéma : le plus simple, le plus exaltant : moment infime de beauté qui est dans la mesure où elle paraît. Une table nappée de blanc sur laquelle quatre feuilles de papier blanc devant lesquelles quatre sachets aux 3 bords retournés, en papier kraft de couleur déclinée du brun au beige des plus pâles, – remplis d’ocre de couleurs correspondantes aux contenants. Ce pourrait être une sculpture arte povera, non pas parce que – Un souffle est aussi le nom d’oeuvres de Penone puisqu’il y s’agissait d’empreintes, mais parce que son travail scrutait l’imperceptible.

Aurélie Jouandon, en écho aux objets déposés, sans bruit, approche, une main derrière le dos, elle prend une poignée de chacun des sachets, sans hâte, avec le même soin et la dépose au centre de chaque feuille, en mouvement circulaire du poignet jusqu’à former un petit monticule alors elle lâche les derniers grains, délicatement. Cela successivement avant de, avec la même lenteur, souffler sur chacune des quatre petites îles entourées de vagues immobiles ou rochers, les fins points alentour ainsi formés. Un petit trou perturbe le sommet de ce qui devient minuscule volcan assoupi. Et elle quitte le lieu.

La main a fait ce que le souffle a transformé. Dès lors, rester sur le sentiment que quelque chose a eu lieu, que sans tonitruance, l’artiste entraîne ailleurs que dans le là immédiat, qu’elle a transformé et élargi notre champ de pensée. Elle nous rend l‘émerveillement devant la goutte d’eau, devant la brindille approchée de l’enfance. Quant à l’artiste, elle parle « d’infiltration poétique dans le réel ».

L’écriture vidéo est fidèle à cet esprit. Des vidéos brèves, sans paroles. Des vidéos dédiées au simple dont se décèle « I’infra-ordinaire ».

Simone Dompeyre